Keywords

Résumé de thèse


Les questions posées par ce travail sont celles de savoir s’il existe des asymétries directionnelles locomotrices, et quels sont les facteurs sous-jacents à ces asymétries. Les asymétries directionnelles s’observent lorsque l’on doit contourner un obstacle, faire demi-tour, faire un tour sur soi-même, ou se retourner, et qu’on a le choix entre deux directions : vers la gauche ou vers la droite, dans un sens horaire ou anti-horaire. On parle d’asymétries directionnelles au niveau individuel lorsqu’un individu privilégie systématiquement une direction plutôt qu’une autre, et d’asymétries au niveau du groupe lorsqu’une même direction est choisie par la majorité des individus. Sachant qu’en l’absence de vision il est quasiment impossible de garder une direction « droit devant » parfaite, les asymétries directionnelles locomotrices s’observent également dans la direction de la déviation en marche aveugle.

Les différentes études ayant montré l’existence de biais directionnels ne s’accordent pas toujours sur la direction du biais. Une raison en est sans doute la variété des comportements étudiés et les différences de contexte et de conditions de leur étude. En effet, ces choix locomoteurs sont fonction du contexte, des stimuli, des informations présentes, ainsi que du but de la locomotion (attraper, regarder, écouter, ou suivre une personne ou un objet). Certaines de ces études ont montré une relation entre ces biais et la latéralité manuelle ou podale, mais pas toutes, loin de là. Dans ce travail, nous nous sommes focalisé sur un type de comportement particulier, le contournement d’obstacle, et nous avons posé deux questions spécifiques : dans un contexte spatial parfaitement symétrique, le contournement d’obstacle est-il asymétrique ? Si oui, quels sont les facteurs responsables d’une telle asymétrie ?

Pour répondre à la première question, nous avons commencé par une expérience de contournement d’un grand cercle dans une salle en variant la position de départ du sujet par rapport au cercle et l’orientation des cibles visuelles à regarder juste avant de partir. Nos résultats montrent que, bien que la position de départ et celle du regard avant le départ aient un effet sur le choix de la direction, il existe une tendance globale significative à courir autour du cercle dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

La question des facteurs sous-jacents aux asymétries directionnelles est complexe, du moins en ce qui concerne les facteurs intrinsèques, étant donné le nombre de systèmes différents que fait intervenir la locomotion, et qu’il est difficile d’isoler (système vestibulo-oculaire, vestibulo-spinal, représentation spatiale, système visuel, motricité périphérique, par exemple). En ce qui concerne ces facteurs intrinsèques, nous avons fait l’hypothèse que la tendance à tourner en anti-horaire pouvait venir soit d’une asymétrie d’origine périphérique, due simplement à l’alternance de pas, soit d’une asymétrie d’origine visuo-spatiale, soit encore d’une asymétrie au niveau de la représentation de l’espace. Pour voir si la simple alternance de pas pouvait entraîner une asymétrie, nous avons, dans une deuxième expérience, fait passer un test amélioré de piétinement en mesurant les angles de déviation, en condition sans vision. Aucun biais général n’ayant été observé, nous en avons conclu qu’une asymétrie d’origine périphérique ne pouvait pas vraiment expliquer le biais directionnel. Finalement, dans une troisième expérience, nous avons cherché à dissocier le rôle de l’attention visuelle et de la représentation mentale de l’espace de celui de la programmation motrice en comparant les choix directionnels dans trois conditions : dans l’une les sujets devaient dessiner leur choix de direction pour tourner autour d’un cercle, dans l’autre ils devaient simplement imaginer le choix d’un personnage censé tourner autour du cercle, et enfin en condition de réalité virtuelle le sujet devait contourner des obstacles à l’aide de la souris. Les résultats montrent que seule la réalité virtuelle fait ressortir un biais marqué pour un contournement à droite (début d’une trajectoire dans un sens anti-horaire). Nous en concluons qu’un facteur important à la base de l’asymétrie directionnelle étudiée pourrait être d’ordre visuo-spatial : en effet, en démarrant vers la droite pour amorcer un contournement dans un sens anti-horaire, on exprime sans doute une préférence pour garder la zone d’intérêt dans l’hémichamp gauche, contrôlé par l’hémisphère droit. Les relations entre ces préférences d’origine intrinsèque et les facteurs culturels, susceptibles d’influencer le sens du contournement sont discutées dans la conclusion.